feeling lost (ft. mee eun)

Il en avait perdu un. Il avait vraiment perdu un de ses bébés. Bon, perdu… C’était des chats errants. Est-ce qu’ils pouvaient vraiment être perdus ? Ça restait des chats sauvages. Ils n’avaient pas de foyer, ils n’avaient pas vraiment d’obligation envers Hayden non plus et ils n’avaient pas à être là en permanence quand il venait les nourrir. Sauf que… ça faisait bien une semaine qu’il n’avait pas vu débarquer sa chère Bibi (oui, il avait donné un nom à tous les membres de sa colonie), et il commençait à s’inquiéter. Elle qui était toujours une des premières à débarquer en trombe dès que le garçon arrivait avec la nourriture, voilà qu’elle avait tout bonnement disparu. Un jour, d’accord, deux jours, très bien, mais après une semaine, Hayden commençait tout de même à trouver ça bizarre…

Alors il avait réfléchi à un moyen de la retrouver. Sauf que… Busan, c’était grand. Et chercher un chat comme Bibi dans une ville aussi immense serait synonyme de chercher une aiguille dans une botte de foin. Une très, très grosse botte de foin. Le jeune homme avait aussi pensé au stratagème de secouer un sac de croquette partout dans les rues alentours, mais bon, il y avait plus de risque qu’il se fasse courser par toute sa meute de félins plutôt qu’il ne retrouve la fameuse boule de poil. Et c’était tout ce qu’il avait trouvé. Bon… peut-être qu’il n’avait pas vraiment cherché, finalement. Hayden était vite arrivé à cours d’idée. Autant il adorait ses chats, autant il était loin d’être un expert en la matière. Et le jeune homme avait besoin de réponses avant qu’un pauvre passant n’attrape le tournis à force de le voir tourner en rond autour du parc qui était non loin du point de rendez-vous de toute sa petite troupe.

Aller voir Mee Eun et lui demander conseil. C’était le dernier recours qu’il avait trouvé. Elle connaissait les animaux bien mieux que lui ; c’était son travail, après tout, et la jeune femme aurait certainement au moins une petite piste à lui donner… Ce qui, il fallait être honnête, le ferait bien plus avancé de ses tours de terrains sur le trottoir, à marmonner des choses incompréhensible dans sa barbe non-existante.

« Eh merde… » prononcé devant la porte de la clinique, après s’être plus ou moins fait recalé à l’accueil à cause de l’absence de Mee Eun. Hayden avait vraiment le don pour bien choisir ses jours… Un soupir, puis il sort son téléphone un peu abîmé de la poche de sa veste, fixant l’écran avant de le déverrouiller et de chercher le numéro de la jeune femme. Le garçon n’avait pas du tout envie de paraître collant, mais bon. Il avait besoin de réponse, il n’allait pas rester là comme un idiot à attendre que son chat tombe miraculeusement du ciel. Elle lui avait laissé son numéro pour si il y avait une urgence, il fallait bien qu’il s’en serve. Le jeune homme vient poser son appareil contre son oreille attendant patiemment qu’elle décroche, avant de lui expliquer vaguement la situation, lui disant qu’il préfère la voir en face plutôt que de lui parler au téléphone. Mee Eun lui donne une adresse, son adresse, et le voilà rapidement en route vers l’habitation de la jeune femme.

Est-ce qu’il était totalement à l’aise de venir chez quelqu’un chez qui il n’était jamais venu ? Non, pas vraiment. Pas du tout, même. Encore moins en voyant dans quel genre d’endroit habitait sa vétérinaire attitré. Autant dire qu’en arrivant devant la maison, le garçon n’avait pas l’air bien malin. C’était absolument gigantesque, comparé aux petits appartements dans lesquels il avait l’habitude de s’installer. Combien est-ce qu’il y avait de pièce, là-dedans ? Combien est-ce que cette maison pouvait bien coûter ? Possiblement qu’un léger pic de jalousie vint le titiller. « Eh bah... » Il s’arrêta quelque instants pour regarder la bâtisse avant de s’approcher de la porte et de faire savoir sa présence, attendant presque penaud sur le pas de la porte ; il avait vraiment l’impression de faire tâche dans le décor.

Mee Eun ne travaillait pas aujourd'hui, ce qui lui offrait le luxe de pouvoir profiter de son hanok. Il lui restait encore quelques papiers administratifs à remplir, aussi elle s'y attela de bon matin afin que tout soit rapidement terminé. En achetant cette clinique, elle n'avait pas imaginé l'ampleur du travaille qui l'attendait derrière. Elle songeait de plus en plus a embaucher une secrétaire pour s'occuper de tout cela, car ses finances lui permettaient, mais elle voulait faire les choses dans l'ordre afin de ne pas éveiller les soupçons et également pour pouvoir continuer à se fondre dans la masse. Ainsi, il lui fallait donc justifier auprès de son comptable la nécessité d'employer une nouvelle et prouver que la clinique en avait la possibilité financière. Un long soupir passa ses lèvres lorsqu'elle eut terminé tout cela et une certaine fierté grandissait dans son être. Tout allait pouvoir prendre forme tel qu'elle le désirait. Ce qui lui semblait merveilleux. La renarde posa sa pile de papiers sur son bureau et s'étira en soupirant. Il lui restait à présent toute la journée pour profité de son repos bien mérité !

Du moins, c'est ce qu'elle croyait. Son téléphone sonna et elle répondit immédiatement, parfaitement consciente que trop peu de personnes connaissaient son numéro et qu'un nombre encore plus restreint pouvait se permettre de l'appeler. Hayden. Ce doux garçon au grand cœur semblait totalement désespéré de ne plus pouvoir mettre la main sur Bibi, un membre de sa troupe de chats errants. La jolie brune connaissait bien ces animaux, et encore plus celui qu'elle pouvait considérer comme leur propriétaire. Oh ! Il ne l'était pas vraiment. Mais il s'occupait d'eux de la même manière. Son inquiétude dans la voix était plus que perceptible et même si elle ne travaillait pas, elle ne pouvait pas l'ignorer. De plus, elle lui avait donné son numéro pour qu'il puisse l'appeler en cas d'urgence et, un chat qui disparaît si longtemps, on peut nommer ça une urgence. Elle essaya de le calmer avant de lui envoyer son adresse par message. Ils allaient pouvoir discuter calmement de tout ce qu'il était possible pour lui de faire afin de retrouver son animal adoré.

Toutefois, le Gumiho commença son enquête. Les personnes de son espèce avaient le pouvoir de parler avec les animaux, et cela l'aidait grandement dans son travaille. L'immense jardin qui surplombait son hanok accueillait une faune et une flore resplendissante. Aussi, elle traversa l'étendu d'herbe, la piscine et les sources chaudes pour se rendre jusqu'à l'extrémité de sa propriété où, elle en était convaincue, des animaux allaient pointer le bout de leur museau. Elle discuta rapidement avec certains d'entre eux, principalement des petits écureuils et des petits oiseaux qui sauraient explorer la ville pour elle. Ils seraient ses yeux. Retournant vers son salon, la sonnette laissa un son mélodieux lui échapper et Mee Eun savait que le jeune homme était juste devant sa porte. La jolie brune n'était pas apprêtée, simplement vêtue d'un gros pull et d'un bas de sport. Mais une fois de plus, les créatures comme elle n'avait pas besoin de beaucoup pour éblouir les Hommes. Ceux qui étaient anciennement sa proie.

Arrivée à hauteur de la porte, Mee Eun l'empoigna et ouvrit à son jeune ami, un sourire sur les lèvres. « Viens. Bienvenue chez moi. » La porte se referma derrière lui, le plongeant dans un hall où elle lui demanda de retirer ses chaussures. Le chauffage au sol suffirait à réchauffer ses pieds, sans doute engourdis par le froid et fatigués d'avoir marché. « Suis moi. » La renarde l'invita à la suivre et marcha d'un pas rapide vers le salon, dont les baies-vitrées donnait sur le jardin. La pièce était encore baignée de lumière à cette heure de la journée, offrant des couleurs grisâtres à la verdure fanée de l'hiver. « Veux-tu boire quelque chose ? Un thé ? Un chocolat ? Un café ? » Instinctivement, elle ne lui proposait que des boissons chaudes. Hayden était un bébé à ses yeux. Il était de ces humains si jeunes et si frêles qu'elle enviait tant. Ces humains, douces créatures soumises au temps. « Alors, raconte moi. Depuis quand Bibi a disparu ? » Le gumiho savait que cela faisait un moment, mais elle ne savait pas depuis quand exactement. Plus de deux jours, ça elle le savait. Le reste, elle l'ignorait. Et avec l'hiver pointant son nez, ça n'annonçait rien de bon...

Dire qu’il s’attendait à ce que la jeune femme habite dans un endroit aussi bien loti serait forcément un mensonge. Bien entendu, Hayden ne s’attendait pas non plus à ce qu’elle vive dans un taudis, loin de là, elle était jeune et avait déjà sa propre clinique ; il y en avait qui réussissait très bien dans la vie et Mee Eun en faisait définitivement partie. Il devrait franchement prendre exemple, lui, qui n’avait même pas de chez lui vraiment fixe, limite de travail fixe, et sans ses amis il ne joindrait très certainement pas les deux bouts. Ceux qui ne le connaissaient pas le traiteraient certainement de cas social et lui il hausserait juste les épaules ; parce qu’il savait qu’au fond, c’était un peu ce qu’il était.  Gamin perdu qui n’avait pas eu de chance et qui n’en avait toujours pas. C’était certainement pour ça qu’il s’était autant attaché à toutes ces bêtes errantes, il arrivait à les comprendre, dans un sens. Vie qui ne leur a pas souri, un peu misérables, mais débrouillardes.

Le temps qu’il était resté devant la porte, il avait regardé les alentours. La porte, le palier, la végétation environnante. Même dans ses rêves les plus fous, Hayden savait bien qu’il ne posséderait jamais une vie aussi luxueuse. Jalousie, envie qui lui piqua l’estomac et il secoua la tête. Il n’était pas là pour ça. Il n’était pas là pour faire l’état des lieux et il n’était pas là pour se sentir presque rabaissé à chaque mobilier sur lequel il allait pouvoir poser ses yeux. Mee Eun était assez gentille pour vouloir l’aider pour toujours presque rien en compensation, elle était assez gentille pour l’inviter chez lui alors qu’elle était en repos ; il n’avait pas le droit de laisser ces mauvaises émotions le prendre aux tripes comme ça. C’était juste compliqué, quand on avait toujours été le perdant, de se retrouver face à quelqu’un qui avait réussi.

Hayden jouait avec les manches de son sweat à capuche en attendant que la jeune femme arrive et il leva les yeux vers elle en entendant la porte s’ouvrir. Yeux qui traduisait une certaine angoisse et une envie de trouver des réponses sur la disparition de Bibi. « Ah, salut... » Il ne savait pas trop quoi lui dire, sur le coup, la saluer semblait être un bon début. Le garçon entra à l’intérieur ; on était effectivement loin de l’appartement minuscule qu’il partageait une partie de la semaine avec sa mère et son frère. Le jeune homme s’abaissa ensuite pour retirer ses chaussures, à la demande de Mee Eun, puis il se releva en passant une main pour retirer les mèches décolorées de son visage. Il soupira légèrement en sentant le sol réchauffer un peu ses pieds qui avaient commencé à congeler dans ses baskets à cause du froid. « Merci de bien vouloir m’aider même si t’es en repos… T’étais pas obligée d’accepter. » Elle ne l’était absolument pas, mais elle l’avait fait quand même ; signe que la gente féminine pouvait faire preuve d’une extrême bonté, finalement.

Hayden la suivit à l’intérieur, ne pouvant s’empêcher de regarder autour de lui et d’avoir un petit peu l’impression de faire tâche dans le décor. Son regard finit fixé sur la baie vitrée et il regarda l’extérieur, la bouche entre-ouverte devant le spectacle du jardin. Ses yeux revinrent sur Mee Eun en l’entendant lui proposer à boire et il haussa un peu les épaules, légèrement pris de court. « Euh, un chocolat, ça ira… Enfin, t’es pas obligée. » Il avait vraiment des goûts d’enfants, quand ce n’était pas de l’alcool. Et combien de fois est-ce qu’il allait lui dire qu’elle n’était pas obligée ? Ah, Hayden, pas assez habitué à la gentillesse. La jeune femme mentionna ensuite Bibi, oui. Bibi. C’était pour elle qu’il était là, à la base ; il ne l’avait pas oublié. Hayden soupira, se mettant à regarder le sol quelques secondes, essayant de fouiller dans ses souvenirs pour être sûr de ce qu’il allait raconter. « Au moins une semaine, je crois bien. Je passe tous les deux jours, du coup… Ça fait quatre fois que je passe et quatre fois que je ne la vois pas... » Le garçon mit ses mains dans ses poches avant de se mettre à fixer l’extérieur de nouveau. « Je me suis pas alerté tout de suite, tu sais, ce sont des chats errants, ils ont l’habitude d’être dehors… Mais bon, normalement elle est toujours là quand je viens, pour se frotter à mes jambes, donc… C’est vrai que je commence à m’inquiéter du fait qu’elle ne soit plus là quand je viens. » Il était visiblement inquiet. Il avait peur qu’elle soit coincée quelque part, ou que quelqu’un ou quelque chose lui ait fait du mal ; voir pire. « J’aurais peut-être dû réagir plus tôt. » Et voilà qu’il commençait à culpabiliser.

D'abord il se délecta du chauffage au sol qui procurait un bien être fou en ces journées d'hiver, puis le jeune homme remercia Mee Eun de bien vouloir l'aider. Elle répondit d'un signe de main qui lui signifiait que ce n'était rien. Il n'existait pas de repos pour les grands cœurs. D'autant plus pour une renarde comme elle qui se préoccupait davantage des animaux que des humains. Marchant à travers les pièces, elle vérifiait du coin de l'oeil qu'Hayden restait dans son sillon et constatait qu'il détaillait chaque mur, chaque meuble, chaque fenêtre du regard. Elle savait qu'il n'avait que peu d'argent. Les consultations lui étaient la plupart du temps offerte, ne le laissant payer que les médicaments afin qu'il se sente investit. Et encore ! Il lui arrivait régulièrement de mentir sur les prix et de les baisser volontairement pour qu'il n'ait pas à se ruiner. Un homme au si grand cœur ne devrait pas avoir à user de sa petite monnaie pour le sauvetage d'animaux qui n'avaient personne d'autre que lui. D'autant que la vétérinaire était plus qu'aisée, bien qu'elle essayait la plupart du temps de le cacher. Elle espérait que l'accueillir ici n'aurait pas pour effet de lui jeter sa richesse à la figure, mais plus elle suivait ses pupilles et plus elle avait l'impression que c'était le cas.

Un chocolat. C'était un merveilleux choix. Enfantin et adorable, comme Hayden. Il répéta une nouvelle fois ces paroles qu'elle avait déjà envoyé au loin, et soupira avant d'ajouter : « Hayden, je ne me sent pas obligée. Je le fais de bon cœur. Parce que je t'apprécie, et que j'apprécie Bibi. D'accord ? » La jolie brune n'attendait pas vraiment de réponse. Mais, la question suivante en attendait une. En apprenant la date réelle de disparition de l'animal, elle saurait alors mieux orienter ses conseils pour le retrouver. Une semaine... Cela commençait à faire réellement long pour un chat. D'autant plus de cet âge avec un temps pareil dehors. Mee Eun écouta attentivement le reste de ses paroles. Il culpabilisait. Cela transpirait, à travers ses mots et ses réactions. « Ne t'en veux pas. Une semaine c'est un peu long avec un temps pareil, mais certains chats peuvent disparaître pendant un mois ! Tu es tout de même venu me voir. Ce qui est une bonne chose. » Il avait régit, et Mee Eun était certaine qu'il n'était pas trop tard. Même si une semaine commençait à faire long pour un chat venant chaque jour, il était également vrai que certain disparaissaient un mois durant pour aucune réelle raison.

La renarde s'avança près du jeune homme pour poser une main chaleureuse et réconfortante sur son épaule. « On va retrouver Bibi, je te le promet. » Puis, elle s'avança jusqu'à la cuisine où elle resta quelques courtes minutes pour préparer un chocolat chaud et un café. Il lui faudrait de l'énergie pour retrouver ce chat. Dieu seul savait ce qui pouvait bien lui être arrivé ! Elle tentait de réfléchir aux événements de la semaine passé. Pas de chutes de neige, pas fêtes organisées en ville... Mais une crue. Une inondation due aux dernières pluies de l'automne qui marquaient alors le début de l'hiver. C'était peut-être ça ! La vétérinaire avait accueilli quelques animaux à la clinique qui avaient subit ces intempéries. Et si Bibi s'était réfugié dans un terrier de lapin ? Ou dans le tronc d'un arbre ? Mee Eun récupéra les boissons chaudes entre ses mains et retourna auprès d'Hayden, lui offrant alors son chocolat chaud. Il fallait à présent qu'elle trouve de quelle manière lui annoncer son hypothèse, sans l'inquiéter ni le terroriser. Elle avait envie plus que tout de le protéger.

La créature se racla la gorge, prit une gorgée de café puis annonça avec autant de délicatesse qu'elle le pouvait : « Je crois que Bibi est coincé quelque part en foret. » Mee Eun se gratta la tête puis continua sur la même allure : « Peut-être. La semaine dernière j'ai recueilli beaucoup d'animaux errants à la clinique à cause des crues et glissements de terrains. Il a beaucoup plu et les inondations ont causé pas mal de dégâts... » C'est alors que des bruits de griffes contre du verre se firent entendre et la brune détacha son regard d'Hayden pour glisser sur la baie vitrée. Un chat se tenait là, griffant la vitre et miaulant. La renarde comprenait bien ce qu'il disait. Mais, le son étouffé ne lui permettait pas de comprendre ce que l'animal tentait de lui dire. Elle s'avança jusqu'à sa hauteur, ouvrit la vitre pour laisser le chat entrer. Le vent glacial de l'hiver s'engouffra avec lui, arrachant un frisson à la renarde. Cette dernière s'abaissa à sa hauteur, écoutant les miaulements et hochant la tête de haut en bas. Ses pupilles se fixèrent sur le jeune garçon. « Je suis sûre que Bibi est quelque part en foret. » Ce que ce chat venait de lui confirmer. Hayden allait certainement la prendre pour une folle, mais sauver Bibi lui semblait bien plus important.